Ils ne siègent pas dans le même groupe parlementaire mais ont le même objectif : mettre un terme aux titres de séjour territorialisés, un dispositif unique à Mayotte qui empêche tout détenteur d'un titre de séjour de circuler sur l'ensemble du territoire français. Salama Ramia, sénatrice RDPI (groupe macroniste, soutien du gouvernement) de Mayotte et Saïd Omar Oili, sénateur socialiste de Mayotte, ont profité de leur prise de parole lundi après-midi à l'occasion du début de l'examen de la grande loi pour la refondation de leur territoire pour réclamer la suppression de ce visa territorialisé.
Alors que le gouvernement ne cesse de leur opposer une fin de non-recevoir sur le sujet, ils ne comptent pas baisser les bras et vont tenter d'inscrire la suppression de cette exception législative dans la loi actuellement examinée au Parlement. Nous les avons rencontrés tous les deux à la sortie de l'Hémicycle.
Outre-mer la 1ère : Lundi, au Sénat, vous avez remis sur la table le sujet de la suppression des titres de séjour territorialisés . Pourtant, le gouvernement a choisi de ne pas en parler dans son projet de loi.
Salama Ramia : C'est toujours un sujet, on ne peut pas dire : "On passe". Je demande une équité. On ne peut pas continuer à dire qu'on donne des cartes de séjour à une population, qu'elle est en situation régulière, mais qu'on la maintient sur un territoire.
On nous sort régulièrement comme excuse que supprimer cette disposition créerait un appel d'air... C'est à l'État de gérer ses frontières. Ce n'est pas aux Mahorais de subir cette situation. Avec mon collègue [Saïd Omar Oili], c'est un combat qu'on continuera de mener. On ne lâchera pas.
Saïd Omar Oili : Le ministre des Outre-mer [Manuel Valls] a dit qu'il ne fera rien sans l'avis des élus locaux. Nous, les sénateurs, on est d'accord pour supprimer les visas. Il y a eu une délibération du Conseil Départemental à l'unanimité qui demande la même chose. Les collectifs, la population de Mayotte demandent la suppression de ces visas... Comment peut-on légiférer sans écouter les concernés ? On ne comprend pas pourquoi il y a un refus frontal du gouvernement.
En attendant, c'est nous qui souffrons. Il y a une population qui est assignée à résidence alors qu'elle pourrait partir ailleurs. Ça pourrait peut-être permettre de faire des économies à l'État parce que c'est plus de 100.000 personnes qui partiraient d'un coup. Peut-être qu'on n'aurait même plus besoin de construire des écoles. Peut-être que l'hôpital, on pourrait y aller sans difficulté. Ça permettrait aux Mahorais de vivre dans la sérénité. On ne comprend pas qu'aujourd'hui, toute une population demande une chose et que l'État s'abstient.
La situation migratoire est tout de même exceptionnelle à Mayotte. Comprenez-vous l'inquiétude du gouvernement de voir arriver plusieurs milliers de migrants à La Réunion ou dans l'Hexagone ?
Salama Ramia : On ne parle pas de migrants. On parle d'une population en situation régulière. On parle d'une population à qui on a donné l'autorisation de rester sur le territoire français.
Aujourd'hui, c'est la population mahoraise qui subit. Vous avez des familles qui sont obligées de quitter Mayotte parce que, même si l'école a repris, les conditions ne sont pas optimales. L'hôpital non plus... Finalement, qui est pénalisé ? C'est encore une fois la population mahoraise qui se trouve obligée d'aller dans l'Hexagone (puisqu'à La Réunion, ils ne sont pas toujours bien accueillis) dans l'attente de reconstruire leurs maisons, que l'éducation revienne... On ne comprend pas ce blocage du gouvernement. L'Hexagone devrait être solidaire avec Mayotte.
Vos collègues de la droite sénatoriale, opposés à la suppression du titre de séjour territorialisé, ont proposé d'attendre trois ans pour voir si la loi que vous examinez actuellement au Sénat aura des effets sur les arrivées illégales à Mayotte. À ce moment-là, une remise en question de ce dispositif pourrait être envisagée. Qu'en pensez-vous ?
Saïd Omar Oili : Ça fait déjà longtemps qu'on attend. Lorsque Gérald Darmanin [alors ministre de l'Intérieur et des Outre-mer] est venu à Mayotte [début 2024] au moment des blocages, il avait dit dès la descente de l'avion : "Il y a une condition pour qu'on lève les visas territorialisés et que les gens puissent partir : c'est le durcissement du droit du sol". Ça a été voté [en février dernier]. La population a entendu ce que le ministre a dit. On demande à ce que l'autre mesure [la suppression des titres de séjour territorialisés] annoncée par le ministre s'applique tout simplement.
Avec ces revirements permanents, on se demande : quelle est la valeur de la parole politique aujourd'hui ? Si M. Darmanin n'avait pas dit ça, peut-être que les gens auraient compris les difficultés à supprimer ce dispositif. Mais c'est la parole d'un ministre d'État. Donc, nous, on va se battre. Peut-être que le gouvernement ne va pas nous suivre. Mais on aura fait notre job.
Quelles sont vos marges de manœuvre pour aboutir à la suppression du visa territorialisé ?
Salama Ramia : Le texte [sur la refondation de Mayotte] n'a pas encore été débattu. L'examen des amendements démarre ce mardi. Nous, nous allons déjà essayer de convaincre nos collègues, en sachant, il est vrai, qu'on part dans une position de faiblesse puisque la majorité est de droite et ce sont eux qui refusent. Mais on va quand même essayer de les convaincre. Ensuite, si ça ne passe pas au Sénat, on compte encore sur nos collègues de l'Assemblée nationale [les députées de Mayotte, Estelle Youssouffa et Anchya Bamana], qui mènent le même combat que nous. Et après, le troisième round, ce sera la CMP [commission mixte paritaire]. Le combat ne fait que commencer. Nous, on fera notre maximum en sachant les difficultés qu'on va devoir affronter.
Par Quentin Menu
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